Actualisé le 13:10:2024 09:10
Effets collatéraux
Neutralité carbone
Un acteur politique majeur pour atteindre les
objectifs de l'Accord de Paris sur le climat
L’article 4.1 de l’Accord de Paris sur le climat (AdP) fixe l’objectif de parvenir à "l’équilibre mondial entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions par les puits de gaz à effet de serre dans la seconde moitié de ce siècle"(1)
Les études scientifiques citées dans le Rapport spécial du GIEC de 2018 sur le "Réchauffement mondial à 1,5°C" (2) ont confirmé que l’objectif d’une limitation du réchauffement bien au-dessous de 2 °C défini dans l’AdP exige d’atteindre zéro émission nette de dioxyde de carbone entre 2050 et 2070. Tel est le défi posé par la "neutralité carbone". L’introduction d’un objectif d’émissions à long terme aussi explicite est l’une des innovations les plus remarquables de l’AdP. Cinq ans après, cette vision est-elle en train de se réaliser ? L’objectif de neutralité carbone a-t-il produit les bénéfices escomptés en termes d’ambition et d’action ?
Ce billet de blog appartient à une série produite par l’Iddri sur les effets de l’Accord de Paris sur le climat, à l’occasion du 5e anniversaire de son adoption.
Que signifie la neutralité carbone ?
Par définition mondial, l’objectif de neutralité carbone ne signifie pas que tous les pays doivent y parvenir sur leur territoire à la même échéance et en utilisant des stratégies identiques. Mais la science considère que l’atteinte de cet objectif collectif ambitieux serait impossible sans l’implication de tous les acteurs majeurs. Ainsi, l’objectif mondial de neutralité carbone se traduit par l’obligation pour chaque pays (et acteurs majeurs de l’économie politique) de tenir compte de ce référent critique pour la conception de leurs plans d’action nationaux. La détermination de l’ampleur du défi est donc claire, imposant des réductions drastiques des émissions de gaz à effet de serre (GES) produites par les combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel), particulièrement dans les secteurs de la production et de la consommation d'énergie, ainsi que le déploiement de solutions pour extraire le carbone de l'atmosphère à travers la maximisation des puits de carbone naturels (notamment la reforestation et l’utilisation durable des terres) et des technologies possiblement innovantes. Pour cela, des transitions rapides et profondes de toutes les composantes clés du système économique sont nécessaires : énergie, industrie, infrastructures, transport et utilisation des terres.
Cette vision normative des transformations à venir modifie les règles du jeu et, a minima, les débats politiques nationaux. Les nombreux processus nationaux qui ont été menés au cours des cinq dernières années témoignent du caractère politique de cette assimilation, en particulier dans le cadre de la mise au point de données probantes destinées à orienter les plans de développement à long terme, comme les stratégies de développement à faibles émissions à long terme (LT-LEDS en anglais). L’objectif de neutralité carbone oblige les pays (et les acteurs non étatiques) à faire face à l’ampleur du défi imposé par l’objectif de limitation de la hausse des températures à long terme et à identifier la séquence pertinente de transformations systémiques physiques et socio-économiques nécessaires. De ce fait, cette vision codifiée représente un outil déterminant pour faciliter la traduction de l’ambition à long terme en actions à court terme et pour intégrer la discussion multilatérale dans les politiques nationales.
Que s’est-il passé depuis la COP21 ?
Cinq ans après la COP 21 et l’adoption de l’AdP, on constate la multiplication rapide des engagements pour la neutralité carbone au sein de nombreux secteurs et de diverses parties prenantes. La Coalition pour la neutralité carbone (CNC)(3), qui rassemble aujourd’hui 29 pays, 102 villes, 10 régions, 93 entreprises et 12 investisseurs, a démarré ce processus. En novembre 2020, plus de 110 pays (4) se sont engagés sur un objectif de zéro émission nette. Au total, ils représentent près de la moitié du PIB mondial et des émissions mondiales de CO2, et incluent en particulier l’ensemble des pays du G7 et la majorité des pays du G20. La neutralité carbone est devenue également une référence pour un nombre grandissant d’acteurs non étatiques. Par exemple, 1 100 entreprises ont adopté les objectifs de neutralité carbone et ont rejoint la Campagne Objectif Zéro (5) de la COP 26 au Royaume-Uni aux côtés d’autres acteurs non étatiques.
Il est étonnant de constater la vitesse à laquelle ce concept de neutralité carbone, rarement évoqué en dehors d’un cercle d’experts avant 2015, est devenu couramment utilisé et bien compris par les leaders et la société.
Et surtout, les trois principaux émetteurs de GES (UE, Chine, États-Unis) ont désormais clairement fait de la neutralité carbone leur objectif. L'Union européenne a décidé de devenir neutre sur le plan climatique à l’horizon 2050 et a inscrit cet objectif comme l’un des piliers du Pacte vert européen, approuvé par le Conseil et le Parlement. Cette année, lors de l’Assemblée générale de l’ONU organisée en visioconférence, le président chinois Xi Jinping a annoncé que la Chine parviendra à la "neutralité carbone avant 2060". Enfin, Joe Biden, nouveau président américain élu, a annoncé pendant sa campagne son intention de revenir dans l’AdP dès le premier jour de sa présidence et a pris un engagement déterminé pour la neutralité carbone d’ici à 2050.
1. https://unfccc.int/resource/docs/2015/cop21/eng/l09r01.pdf
3. https://www.carbon-neutrality.global/
5. https://unfccc.int/news/cities-regions-and-businesses-race-to-zero-emissions