Actualisé le 07:12:2024 08:40
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Les fuites de gaz à effet de serre dans la méthanisation.
Définitions
Gaz à Effet de Serre (GES)
Certains gaz (vapeur d'eau, gaz carbonique, méthane …) sont pratiquement transparents au rayonnement solaire visible (longueur d'onde
du visible) et opaques au rayonnement infrarouge émis par la Terre.
Ainsi la chaleur due au rayonnement solaire est piégée. Ces gaz sont des Gaz à Effet de Serre, ou GES.
Pouvoir de Réchauffement Global (PRG) relatif
Cette quantité exprime "combien de fois" un gaz donné "fait d’effet de serre sur 100 ans" par rapport au gaz carbonique (ou dioxyde de carbone, CO2).
Ce qu'il faut retenir
Après plusieurs années de fonctionnement, comme dans tout procédé industriel, des fuites peuvent apparaître dans la chaîne de méthanisation (données ARIA-INERIS).
Ces fuites engendrent le relargage dans l’atmosphère de GES, dont CO2, CH4 et NH3 (dont une part deviendra N2O par oxydation dans l’air).
PRG relatif
Temps de séjour dans l'atmosphère
1
100 ans
CO2
25
12 ans
CH4
298
120 ans
N2O
La méthanisation permet de diminuer les émissions de gaz carbonique dus à la combustion des carburants fossiles. Mais le méthane est un gaz dont l'effet de serre est 25 fois supérieur à celui du gaz carbonique. Ainsi, seulement 4% de fuite de méthane suffisent pour que la méthanisation ait un impact sur l’effet de serre plus fort que l’utilisation des carburants fossiles. Des fuites de NH3, qui donneront N2O dans l’airpeuvent aussi contribuer de manière conséquente à l’effet de serre.
La méthanisation est présentée souvent comme une des solutions pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre en se substituant à des techniques de production énergétique consommant des énergies fossiles. Mais plusieurs faits viennent infirmer cette assertion :
Le méthane est un gaz qui est 25 fois plus à effet de serre que le gaz carbonique (CO2), son PRG relatif est de 25. Le protoxyde d’azote (N2O) a lui un PRG de 298 ! Or ce dernier est rapidement obtenu à partir de l’ammoniac (NH3) par oxydation dans l’air. Il suffit d'un faible taux de perte dans l’atmosphère de ces deux gaz pour que la méthanisation augmente in fine les émissions de gaz à effet de serre à l'inverse du résultat souhaité.
Une usine de méthanisation comporte de nombreuses liaisons mécaniques susceptibles de fuir.
Des défauts d'étanchéité des cuves de méthanisation, des bâches, des valves, des broyeurs, des connectiques mécaniques aux différents éléments, des zones de chargement-déchargement …
La base de données ARIA-INERIS (ARIA 2018) montre que les méthaniseurs agricoles sont sujets aux fuites, mais pas seulement. Ces fuites sont un fait visible (ARTE 2013, Figure 1).
Figure 1
Emanations de gaz méthane détectées par rayonnement infrarouge sur une cuve de méthaniseur
La présence d’hydrogène sulfuré (H2S) à l’intérieur des réacteurs de méthanisation crée un milieu sévèrement corrosif même pour des aciers inoxydables au bout de quelques années de fonctionnement. La corrosion peut être bactérienne et est conditionnée entre autres par l’humidité et la vitesse de circulation du biogaz (ARIA 2016).
En présence d’une fuite continue, il suffit que 4% du méthane produit s'échappe dans l'atmosphère pour que l'impact sur l'effet de serre soit négatif, puisque 1/25 = 0,04. Ou encore, que 5 à 6 % du biogaz s’échappe, puisque ce dernier est constitué de 50-75% de méthane. Au bout de quelques années seulement de fonctionnement des fissures ou des déchirures apparaissent sur les cuves de méthanisation, les conduits, les bâches ou d’autres éléments de l’usine, et le taux de fuite de méthane peut dépasser ces seuils. D’autre part, plus les intrants de méthanisation sont riches en N plus la quantité de NH3 produite sera élevée et une part de ce NH3 est susceptible d'être transformée en N2O, un gaz dont les conséquences sur l’effet de serre sont extrêmement élevées (son PRG est 298 fois plus élevé que celui de CO2).
De plus (voir Fiche sur le cycle du carbone), si on utilise des intrants de méthanisation qui auparavant étaient utilisés pour entretenir le stock de carbone et de matière organique dans les sols (amendement), alors la méthanisation conduit à des émissions de CO2 aux dépens de l’humus, de la matière organique et du carbone du sol. Comme la régénération de l’humus s’opère de façon très lente par rapport à la vitesse de production de méthane par méthanisation, et vu les masses d’intrants de méthanisation mobilisées dans les scenarii, le carbone du sol devient alors une ressource fossile libérant par méthanisation le GES CO2. Cette consommation du carbone du sol transformé in fine en CO2 se comporte pour l’environnement comme un taux de fuite supplémentaire.
Recommandations
Un contrôle permanent des fuites de gaz sur tous les éléments clefs du méthaniseur et dans son environnement proche est absolument nécessaire. Sans contrôle, la balance GES de la méthanisation est négative rapidement.
Une maintenance et des contrôles fréquents et rigoureux doivent être pratiqués par un personnel spécialisé.
Il faut exclure des intrants de méthanisation ceux qui peuvent servir directement d’amendement.
Conclusions
-
Les émissions de méthane et de protoxyde d’azote par défaut d'étanchéité ou fissures dans les cuves, stockages et conduits de méthanisation doivent être contrôlées périodiquement avec du matériel de mesure spécialisé.
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A défaut d'un contrôle technique incontestable et fréquent, la méthanisation a un effet négatif sur les émissions de gaz à effet de serre.
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Le coût de ces contrôles techniques, de la maintenance associée et des réparations nécessaires n’est que très rarement intégré dans les plans financiers des projets de méthanisation.
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L’utilisation d’intrants de méthanisation pouvant, sans méthanisation, servir d’amendement, doit être exclue, puisqu’elle se comporte comme une fuite d’un point de vue GES
Références
ARIA (2016). Biogaz et Corrosion, Flash ARIA Octobre 2016.
ARIA 2018. https://www.aria.developpement-durable.gouv.fr/le-barpi/la-base-de-donnees-aria/
ARTE (2013). Les fausses promesses d’une énergie propre. https://www.dailymotion.com/video/x1014cm, à partir de 5’00
GIEC (2007). 4ième rapport d’évaluation.
Collectif Scientifique National Méthanisation (Mars 2021)