Actualisé le 07:12:2024 08:40
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La méthanisation entraîne une accélération du cycle du carbone, un épuisement de la matière organique du sol et son déplacement vers plus de CO2 atmosphérique.
Définitions
Carbone Organique du Sol ou COS
Partie du carbone du sol localisé dans la matière
organique du sol (MO)
Ce qu'il faut retenir
Les sols constituent un des puits majeurs de carbone à l'échelle de la planète.
On parle de séquestration du carbone dans les sols, ceci signifie que le carbone est stocké, prisonnier, séquestré dans la matière organique des sols (ce qui est appelé parfois l'humus des sols).
Cette séquestration du carbone dans les sols a en fait deux objectifs et deux mérites :
(1) jouer un rôle dans la lutte contre l'effet de serre en immobilisant pendant des années, des dizaines d'années voire des siècles, des quantités très importantes de carbone et (2) maintenir à un niveau suffisant le taux de matière organique (d'humus) des sols ce qui constitue un des critères de la qualité et de la fertilité des sols, notamment de leur capacité à retenir l’eau.
Le développement de la méthanisation entraîne deux conséquences graves :
(1) une accélération du cycle du carbone c'est-à-dire un retour très rapide du carbone dans l'atmosphère sous forme de gaz carbonique (CO2) et (2) une chute rapide du taux de matière organique (d'humus) des sols avec toutes les conséquences sur leurs propriétés physiques (perméabilité, teneur en eau) et sur leur fertilité.
Devant la rapidité du développement volontariste de la méthanisation, la lenteur nécessaire à la reconstitution des sols fait apparaître ces derniers comme une ressource fossile.
Combien de carbone est stocké dans les sols en France
Les sols constituent à l’échelle de la planète un des sites majeurs de stockage du carbone. Rien que pour la France métropolitaine (550 000 km2), avec un taux moyen de 2,5% de matière organique du sol (MO), on compte en moyenne :
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3500 t de terre arable par hectare, soit 87,5 t de MO/ha.
Avec un taux conventionnel de conversion entre MO et C de 0,58, on obtient 50,75 t de C/ha, soit 5075 t de C/km2. C’est le Carbone Organique du Sol (COS).
C’est donc au total 2,79 milliards de tonnes de COS qui sont stockées dans les sols de France métropolitaine.
En ne prenant en compte que la Surface Agricole Utile française (SAU), soit 290 000 km2, on obtient 1,472 milliards de tonnes de COS, qui correspondent approximativement à 8750 t de MO/km2 x 290 000 km2 = 2,537 milliards de tonnes de MO au total dans la SAU.
Ces 1,472 Gt de COS dans la SAU correspondent à l’équivalent de 5,397 milliards de tonnes de CO2 qui ne participent pas au réchauffement climatique dans l’atmosphère. Cette quantité de CO2 stockée dans les sols sous forme de matière organique est équivalente aux émissions de la population française pendant environ 17 ans.
Une baisse de 2,5 % à 2,3 % de ce taux de matière organique correspondrait à 431 millions de tonnes de CO2 rejetées dans l’atmosphère, soit approximativement aux émissions annuelles de la population française.
Une baisse de la teneur en matière organique décelée depuis des dizaines d’années
Depuis plusieurs dizaines d’années plusieurs mécanismes ont déjà lourdement contribué à la baisse du taux de matière organique des sols :
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l’intensification de l’agriculture d’une manière générale
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le retournement des prairies qui se traduit par une accélération de la minéralisation de la matière organique des sols (avec transformation du C de la matière organique des sols en CO2, du N de la matière organique en NO3-...)
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la surfertilisation azotée qui entraîne une "faim en carbone" avec là aussi une accélération de la minéralisation de la matière organique des sols.
En conséquence de ces différents processus liés à l’intensification de l’agriculture, la baisse du taux de matière organique dans les sols est un fait avéré depuis plusieurs dizaines d’années.
A titre d’exemple pour la Bretagne, on a suivi depuis le début des années 1980 la baisse du taux de matière organique des sols. En dix ans (de la période 1980-1985, à la période 1990-1995) le taux de matière organique a baissé en moyenne de l’ordre de 10‰ (1%), et ce quelles que soient les teneurs en MO initiales (de 30 à 20 ‰,....., 60 à 50 ‰, Figure 1). Ceci correspond à une baisse de la teneur en carbone des sols de Bretagne de l’ordre de 80 millions de tonnes en 10 ans, soit à l’émission de 293 millions de tonnes de CO2 en 10 ans.
Figure 1
Baisse de
matière organique dans les sols de
Bretagne entre 1980-1985
et 1990-1995,
en fonction des niveaux de teneur initiale
(valeurs en ‰)
Evolution actuelle du carbone de la matière organique des sols
Pour estimer un effet éventuel de la méthanisation sur les sols, il faut d’abord comprendre comment évolue la matière organique des sols sans méthanisation. La matière organique des sols (appelée aussi humus) résulte d’une transformation appelée humification des matières organiques apportées sur et dans les sols. Ces matières organiques sont des résidus de culture : pailles, feuilles, racines qui se décomposent soit à la surface du sol, soit dans les couches superficielles des sols.
Ce sont aussi des matières organiques apportées sur les sols par l’activité agricole : des fumiers (riches en azote mais aussi très riches en carbone), des lisiers (riches en azote et apportant un peu de carbone) ...
Les constituants chimiques de ces matières organiques sont très divers. On y trouve de la lignine, de la cellulose mais aussi des matières organiques de plus petit poids moléculaire et jusqu’à des acides aminés. Les constituants dont le poids moléculaire est le plus élevé sont riches en carbone mais pauvres en azote. Les constituants dont le poids moléculaire est le plus faible sont riches en azote mais pauvres en carbone.
Au cours du processus d’humification l’évolution de ces divers constituants n’est pas la même. Les constituants dont le poids moléculaire est le plus élevé se transforment en des composants de l’humus riches en carbone et pauvres en azote comme l’humine dont la durée de vie dans la matière organique des sols peut être très longue : plus d’un siècle. Plus le poids moléculaire est faible, plus les constituants sont riches en azote et pauvres en carbone, plus ils évoluent vers des constituants de l’humus du sol moins stables dans le temps. Pour les constituants les plus réactifs comme les acides aminés, ils ne sont pratiquement pas séquestrés dans la matière organique du sol. La "datation" de sols par le radiocarbone (carbone-14) donne des âges "moyens" de plusieurs centaines à quelques milliers d’années, en particulier pour les sols forestiers de régions granitiques (la Bretagne par exemple). Les quantités de carbone stocké peuvent être considérables (Martel et Lasalle 1977). C’est ce qui explique la grande productivité
agricole des sols après déforestation. L’agriculture intensive qui suit cette déforestation appauvrit très vite les sols et les conduit à la désertification en quelques dizaines d’années (Wikipedia 2019). C’est ce qui s’est passé dans les Prairies américaines.
Pour un taux moyen de minéralisation compris entre 1,5% et 2% par an, le temps moyen de résidence d’un atome de carbone dans le sol sera respectivement de 66 ans et 50 ans. Il s’écoulera donc 50 ans (pour un coefficient K2 de minéralisation de 2%/an) en moyenne avant qu’un atome de carbone apporté au sol et transformé en matière organique du sol par humification se retrouve dans l’atmosphère sous forme de CO2 par minéralisation.
Evolution du carbone de la matière organique des sols en cas de méthanisation
En cas de méthanisation tout le carbone qui a été méthanisé va se retrouver sous forme de gaz carbonique CO2 en quelques jours après que le CH4 produit à partir de ce carbone ait été soit injecté dans le réseau de gaz naturel et brûlé soit transformé en électricité par co-génération.
Pour cette matière organique méthanisée, le temps de résidence du carbone sous forme organique passe donc de 50 à 66 ans en moyenne à beaucoup moins d’un an. L’accélération du cycle du carbone est d’au moins un facteur 50, voire plus de 60.
Conséquences sur le taux de matière organique des sols de France
Le scénario volontariste de l’ADEME (2013) :
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54% de 40 000 GWh provenant des déjections animales,
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30% de 22 000 GWh provenant des CIVE,
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% de 110 000 GWh provenant des résidus de culture.
correspondrait à la production de 48 600 GWh, soit environ 50 000 GWh à partir de carbone qui serait détourné du sol par et pour la méthanisation.
Pour produire ces 50 000 GWh il faut 5 milliards de m3 de méthane pur (purifié à partir des gaz de méthaniseurs), donc environ 7,14 milliards de m3 de gaz de méthanisation non pur (en prenant un excellent rendement de 70%). Cette quantité représenterait environ 3 810 000 t de carbone détourné de l’apport au sol dans le but d’alimenter les méthaniseurs.
Pendant ce temps (Figure 2), on peut estimer que les sols agricoles de France perdent naturellement par minéralisation 21,75 millions de tonnes de COS (Pour un coefficient de minéralisation K2 de 0,015 et 1,450 milliards de tonnes de COS pour les sols agricoles de France).
Par conséquent, le maintien du statut organique des sols de France impose un apport annuel de carbone au sol de 43,5 millions de tonnes de C (avec un coefficient d'humification K1 de 0,5, Bouthier et al. 2014), et un rejet dans l’atmosphère de 159,5 Mt de CO2 par an.
Figure 2
Matière organique
et COS
de la SAU française,
à l’équilibre naturel
Ceci permet de conclure que le scenario volontariste de l'ADEME conduirait à réduire chaque année les apports de carbone au sol de 3,81/43,5 = 8,7% ce que l'on peut aisément arrondir à 10% compte tenu des paramètres favorables que nous avons pris en compte dans ces calculs.
Conséquences sur le taux de Carbone Organique des Sols (COS) de France
En présence de méthanisation (Figure 3), les 3,81 Mt de carbone de la matière organique détournée du sol vers les méthaniseurs, ne laissent au sol que 39,69 Mt de MO, soit 19,84 Mt de COS après humification. Pendant ce temps, la SAU continue à perdre 21,75 Mt de COS par minéralisation. Cette perte de (21,75-19,84) = 1,91 Mt de COS due à la méthanisation représente 0,13%/an du COS de la SAU.
Simultanément, la matière méthanisée aura produit 13,97 Mt de CO2, venant se rajouter aux 72,76 Mt rejetés dans l’atmosphère lors de l’humification et aux 79,75 Mt provenant de la minéralisation. Au total, 166,5 Mt de CO2 repartent dans l’atmosphère ainsi, soit 4% d’émissions de CO2 en plus à cause de la méthanisation.
Figure 3
Matière organique
et COS
de la SAU française, avec méthanisation
La faim en Carbone des micro-organismes du sol
Les micro-organismes du sol ont besoin d’un rapport C/N d’au minimum 7 pour trouver l’énergie nécessaire à leur métabolisme.
Or le digestat montre en moyenne (digestat solide et liquide) une valeur de C/N de 2.
Ainsi, si des besoins en azote de 70 kg de N par hectare sont apportés par le digestat, ce dernier n’apporte au sol que C/N = 2 = C/70 = 140 kg de C par hectare, alors que les microorganismes ont besoin de C/N = 7 pour minéraliser les 70 kg N/ha, soit C/70 = 490 kg de C par hectare.
Il résulte un manque de C pour nourrir les micro-organismes de 490 – 140 = 350 kg de C par hectare, que les micro-organismes iront puiser dans le carbone organique préexistant dans le sol.
Nous avons vu au paragraphe précédent que la SAU française perdait 1,91 Mt de COS pour le scénario ADEME de 50 TWh, soit déjà 66 kg C/ha par diminution du retour au sol. Au total, le sol va par conséquent perdre 66 + 350 = 416 kg C/ha/an, ou encore 717 kg MO/ha/an.
Avec 2,5% de MO par hectare de terre arable et 3500 t de terre arable par hectare, le stock disponible de MO est de 87,5 t MO/ha (50,75 t C/ha).
Donc, à cause de la faim en carbone, les micro-organismes prélèveront 0,8 %/an de COS de la SAU à cause de la méthanisation. Cet effet viendra s’ajouter aux 0,13% précédents dus au non-retour de C au sol.
Bilan
Dans le scenario de l'ADEME 3,81 Mt de C vont dans les méthaniseurs au lieu d'aller au sol ce qui constitue une première cause de diminution du taux de matière organique des sols. Ces environ 4 millions de tonnes de carbone vont être transformés dans les méthaniseurs en méthane CH4 et CO2 (principalement) car le rendement de la méthanisation n'est pas de 100%. C’est la diminution des apports de carbone au sol (-0,13 %/an de C).
Une petite part de ce carbone va se retrouver dans le digestat avec la quasi totalité de l'azote sous forme ammoniacale (NH4+) avec un rapport C/N très faible en moyenne, d'environ 2. Ce rapport est incompatible avec le métabolisme des micro-organismes du sol qui vont devoir s'alimenter en carbone à partir du carbone de la matière organique des sols, pour minéraliser cet azote. Ceci constitue la seconde cause de diminution du taux de matière organique des sols. C’est la faim en carbone des micro-organismes (-0,8 %/an de C) provoquée par un retour au sol de digestats déséquilibrés, trop pauvres en C et trop riches en N ammoniacal.
En somme, la diminution du taux de carbone du sol ou du taux de m.o. des sols avoisinera les 1%/an aux incertitudes près. Une telle baisse n'est pas mesurable avant plusieurs années.
Par exemple dans l'hypothèse de calcul présentée il n'est pas possible d'identifier une baisse de 416 kg par an sur un stock de 87,5 tonnes/ha, à cause des incertitudes de mesures.
Il faut au moins 5 ou 10 ans pour que ce soit mesurable.
En conséquence, on peut dire que les études menées sur de courtes périodes (quelques années), avec des prises d’échantillons forcément faibles et peu de représentativité statistique, et qui concluent que la méthanisation n'a pas d'impact sur la teneur en COS et MO des sols ne sontpas crédibles.
La baisse du taux de COS et MO des sols en cas d'épandage de digestat suit le même mécanisme qu'en cas d'épandage de lisiers ou de fertilisation purement minérale (sans apport simultané de fumier par exemple).
La déraison des scenarii ADEME
Les nouveaux scenarii de la feuille de route ADEME [2013] affichent un objectif de 207 TWh/an (et 360 Mt MB/an) de matières mobilisables, ceux de l’ADEME [2016] propose un objectif non plus de 60 TWh/an, mais de 70 TWh/an, ceux du Centre Technique National du Biogaz et de la Méthanisation qui annonce 90 TWh/an en 2030 [CTBM 2018], et ceux qu’envisagent aussi certains organismes [Laurent 2016]. L’ADEME avec GRTGaz et GRDF qui pensent à 460 TWh/an pour 100% de gaz renouvelable en 2050 [ADEME 2018] nous plongent dans une totale déraison qui conduirait à une accélération massive du cycle du carbone et un appauvrissement massif de la teneur en carbone et en matière organique des sols avec des conséquences non étudiées sur la fertilité chimique des sols de France et sur leurs propriétés physiques au premier rang duquel il faut rappeler la perméabilité des couches de surface des sols qui est pourtant invoquée à chaque catastrophe due à des inondations.
Les nouvelles estimations de 100% de gaz consommé en France en 2050 provenant de la méthanisation (ADEME 2018), envisagent 123 TWh/an fournis par les CIMSE, déjections animales, herbes et résidus de cultures. Soit annuellement 2,5 fois plus d’impact sur la COS que nos calculs précédents.
Ainsi, dans ces scenarii, comme le processus de méthanisation est bien plus rapide que celui d’humification, une partie non négligeable du COS est transféré en CO2 atmosphérique, et plus la méthanisation est prononcée, plus l’équilibre est déplacé vers la production de CO2, avec une quantité d’autant plus élevée que le nombre de méthaniseurs augmente. Tout se passe comme si le sol devenait une énergie fossile.
Un exemple d’illusion lié à l’apport de digestat : augmentation locale du C/N
Dans les plaines céréalières, les agriculteurs sont trompés : ils pensent garantir le statut organique de leurs terres grâce au digestat. Ils ne vont plus enfouir les pailles qui vont être destinées à alimenter les méthaniseurs (ce qui va sans doute les conduire à détruire les repousses avec des désherbants systémiques). Ils pensent garantir la teneur en matière organique de leurs terres par compensation avec les apports de digestat. Mais ce n'est qu'une pure illusion :
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un produit dont le rapport C/N est de 2 au maximum ne permet pas d'améliorer la teneur en matière organique des sols qui possèdent un C/N supérieur à 2. Verser un produit de faible concentration dans un autre de concentration plus forte n’augmente pas la concentration de ce dernier. Sauf si beaucoup d’intrants de méthanisation viennent d’ailleurs, mais alors ce seront les sols "ailleurs" qui seront appauvris.
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un produit dont le rapport C/N est de 2 au maximum ne permet pas de stabiliser des sols de C/N supérieurs à 2. Car la stabilisation des sols nécessite de plus fortes valeurs de C/N.
En revanche, il peut exister un effet de concentration en COS et MO, dû aux apports extérieurs en intrants de méthanisation :
Imaginons 10 000 t d’intrants de méthanisation récoltés sur 10 000 ha: soit 1 000 t de digestat solide avec C/N = 10. Puis épandons ces 1 000 t de digestat solide sur 1000 ha:
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Si le sol initial est à C/N = 10, l’épandage de digestat solide ramène autant de C/N, par effet de concentration de surface.
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Si le sol est à C/N < 10, on peut même imaginer une augmentation due à l’épandage de digestat solide de C/N=10.
Ainsi, localement, le C/N peut augmenter "grâce" à la méthanisation si un apport d’autres intrants extérieurs à l’exploitation est réalisé. Mais:
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Qui accepterait de donner des intrants et ne recevoir que des digestats liquides (8 000 t) à C/N=1-2 ?
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Les digestats solides ne possèdent plus de chaînes carbonées courtes, les bactéries auront faim quand même.
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Au niveau global (sur la surface initiale de chalandise), en moyenne le C/N a bien baissé (mais chez les voisins ou les personnes signant un bail de 15 ans pour apporter les intrants de méthanisation).
La baisse de la teneur en carbone organique du sol (COS) va se poursuivre avec ses conséquences sur l'évolution des propriétés physiques des sols (diminution de la perméabilité, de la rétention en eau) et sur la fertilité chimique.
Le digestat comme le lisier ne peut pas stabiliser la teneur en carbone organique du sol (COS). Ces produits ne sont comparables en rien au fumier.
Conclusions
La méthanisation apparaît donc comme un mécanisme supplémentaire d’appauvrissement du taux de matières organiques des sols, venant s’ajouter aux mécanismes déjà à l’œuvre dans le cadre de l’intensification de l’agriculture. Ce mécanisme supplémentaire va à l’opposé de l’initiative des « 4 pour 1000 » pour les sols (Alim’Agri 2015).
Cette baisse du taux de matière organique des sols aurait une conséquence directe sur leur perméabilité (la baisse de la perméabilité entraînant une augmentation des phénomènes de ruissellement et ses conséquences sur la survenue des inondations), sur l’aptitude du sol à stocker de l’eau et sur la fertilité des sols. Ceci alors même que le GisSol pointe du doigt de manière criante l’appauvrissement des sols, notamment en MO, et le tassement irréversible qui en résulte pour 40% des sols français (en 2016). Rappelons que le tassement du sol accentue les phénomènes de lessivages et d’émissions de gaz à effet de serre.
On ne peut pas impunément développer une technique sans envisager et analyser les dérèglements que cette technique va entraîner dans le fonctionnement environnemental.
La méthanisation des déchets organiques dont l'usage était d'être apportés sur les sols, aura des conséquences majeures sur le statut organique des sols. Elle va se traduire par une baisse très importante des apports de matières organiques au sol. Cette baisse va entraîner une baisse importante du taux de matière organique des sols avec des conséquences d'une part sur la fertilité chimique des sols et d’autre part sur les propriétés physiques des sols, principalement sur l'aptitude des sols à stocker de l'eau et sur leur perméabilité dans une période où les conséquences dramatiques des phénomènes de ruissellement s'observent chaque année.
Une politique schizophrène
C'est un paradoxe total de promouvoir une technique dont les conséquences sur la baisse du taux de matière organique des sols n'ont pas été analysées quand dans le même temps les états tentent de développer des programmes comme le programme « 4 pour 1000 » dont l'objectif est d'augmenter le stockage du carbone par séquestration dans la matière organique des sols pour lutter contre l'effet de serre. La politique de l'état français est totalement schizophrène en voulant d'un côté développer le stockage du carbone dans les sols et les sous-sol et d'un autre développer une technique dont l'effet est d’au moins un ordre de grandeur plus grand et diamétralement opposé.
L’exemple Allemand devrait pourtant nous éclairer : l’Académie Allemande des Sciences Léopoldina (Anton et Steinicke 2012), dès 2012, tiré la sonnette d’alarme. "L’Allemagne ne devrait pas se concentrer sur le développement des bioénergies pour réduire la consommation d’énergie fossile et l’émission de gaz à effet de serre". L’utilisation de la biomasse comme carburant est une impasse environnementale, énergétique et écologique, en Allemagne comme ailleurs.
Recommandation
Parmi les déchets méthanisables, seuls les déchets vrais ne contribuent pas, par méthanisation, à l’appauvrissement du sol et peuvent être considérés comme intrants de méthanisation. Les déchets vrais ne sont en aucun cas des déchets qui s’ils étaient apportés au sol permettraient de l’amender.
Conclusions
Le développement de la méthanisation non raisonnée augmentera largement l’appauvrissement en matière organique des sols déjà observée.
Ce développement augmentera aussi la quantité de CO2, gaz à effet de serre, dans l’atmosphère.
La lenteur des processus d’humification comparée à la rapidité du développement de la méthanisation transforme le carbone des sols en énergie fossile.
La méthanisation va à l’opposé de l’initiative des "4 pour 1000" de la COP21, soutenue en 2015 par le Ministère de l’Agriculture.
Références
ADEME (2013). Une vision pour le biométhane en France pour 2030.
ADEME (2016). Les avis ADEME méthanisation. Novembre 2016.
ADEME (2018). La France Indépendante en gaz en 2050. Un mix de gaz 100% renouvelable en 2050 ? Etude de faisabilité technico-économique. Rapport de l’étude. Par ADEME, GrDF et GRTgaz.
https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/franceindependante- mix-gaz-renouvelable-010503.pdf
Alim’Agri (2015). http://agriculture.gouv.fr/stocker-le-carbone-dans-le-sol-pour-lutter-contre-le-changement-climatique
Anton Christian, Steinicke Henning (2012). Kurzfassung und Empfehlungen. Bioenergie: Möglishkeitenund Grenzen. Deutsche Akademie des Naturforscher Leopoldina und Nationale Akademie der Wissenschaften.
Bouthier A., Duparque A., Mary B., Sagot S., Trochard R., Levert M., Houot S., Damay N., Denoroy P., Dinh J.-L., Blin B., Ganteil F. (2014). Adaptation et mise en oeuvre du modèle de calcul de bilan humique à long terme AMG dans une large gamme de systèmes de grandes cultures et de polyculture-élevage. Innovations Agronomiques 34 125-139
CTBM (2018). Création du Centre Technique du Biogaz et de la Méthanisation. INRA.
http://www.inra.fr/Entreprises-Monde-agricole/Nos-partenariats-nos-projets/Toutes-les-actualites/CTBM
Laurent Patricia (2016). Biométhane : le gisement est-il suffisant ? L’analyse de Sylvain Frédéric (Naskéo Environnement). GreenUnivers 7 148483. https://www.greenunivers.com/2016/07/biomethane-le-gisement-est-il-suffisant-148483/
Martel Y.A., Lasalle P. (1977). La datation au radiocarbone de la matière organique de quelques sols du Québec. Géographie physique et Quaternaire, 31(3-4) 373-378
Wikipedia (2019). Régression et dégradation des sols: https://fr.wikipedia.org/wiki/Régression_et_dégradation_des_sols
Collectif Scientifique National Méthanisation : @CSNM9 (12 février 2020)